Aujourd’hui, si on menait un sondage auprès des 7,4 milliards de personnes vivant sur cette terre pour savoir à quoi elles aspirent le plus, je parie qu’une grande majorité répondrait : le bonheur. Nous semblons avoir été créés pour être heureux. Et c’est probablement pourquoi nous voyons le bonheur comme le sens premier de notre existence. Cependant, si l’on poussait l’investigation un peu plus loin, si l’on cherchait à savoir ce qu’est le bonheur et à connaître les moyens de l’atteindre, les réponses à notre sondage seraient fort différentes. Pourquoi ?

Parce que notre idée du bonheur est largement conditionnée par notre monde extérieur. C’est une des raisons pour lesquelles notre définition de ce que c’est que d’être heureux change continuellement. Elle varie selon notre tranche d’âge, nos besoins, notre culture, les modes et les tendances de notre société. À ces disparités s’ajoute le fait qu’en Occident, notre culture nous fabrique chaque jour des images de « bonheur » en quantité industrielle.

Le sens de l’existence ? Ce n’est pas important, semble nous dire la société de consommation. Si vous êtes insatisfait de votre vie, vous pouvez modifier votre apparence physique, changer de mobilier, de voiture, d’appartement, de quartier, d’emploi, ou encore partir très loin. Ainsi, elle nous encourage fortement dans une quête de bonheur axée sur l’hyper-productivité, la performance, la concurrence, le dépassement de soi à outrance et la surconsommation.

Pour nous garder motivés dans cette course effrénée, on nous fait croire que nous serons nettement plus heureux après la réussite de nos études, l’obtention d’un poste convoité, l’accumulation de biens matériels, l’achat d’une nouvelle voiture, des expériences et des divertissements de toutes sortes, etc. Jour après jour, on nous incite à courir à droite, à gauche et dans tous les sens, sans jamais nous arrêter pour réfléchir sur le pourquoi de ce marathon. Et pourtant, plus on travaille, plus on consomme, plus on accumule, et plus le bonheur nous échappe.

Certes, un bien matériel peut nous procurer un certain plaisir pour un moment, mais aucun objet, si beau soit-il, n’a le pouvoir de nous rendre heureux. Si c’était le cas, les milliardaires et les collectionneurs de ce monde seraient les gens les plus heureux de la terre. Nous connaissons tous des gens qui ont satisfait leurs ambitions, qui mènent de brillantes carrières, possèdent de grandes maisons et de belles voitures, qui voyagent dans les plus beaux lieux du monde, mais qui continuent néanmoins de courir après d’autres expériences. C’est là la preuve que le vrai bonheur n’est pas conditionné par nos possessions, nos relations ou les conditions extérieures de notre vie.

À l’inverse, nous connaissons tous des gens qui ont traversé de terribles difficultés et connu de grandes épreuves, et qui, malgré cela, se disent heureux et en paix intérieurement. Lorsqu’on les questionne sur leur état de bonheur, ils disent qu’être heureux ne découle pas d’une acquisition ou d’une action quelconque. Les gens heureux n’attendent pas que le monde donne un sens à leur existence. Ils ont développé au fond d’eux-mêmes un état de plénitude qui ne dépend pas des circonstances extérieures.

Le vrai bonheur, disent les chercheurs en la matière, c’est se sentir vivre en harmonie avec soi-même, les autres et le monde. Depuis plus d’une décennie, de nombreux travaux scientifiques sur le sujet pointent dans la même direction. De récentes études confirment que les gens heureux ont la faculté d’accueillir les moments plus difficiles avec lucidité et sérénité, et qu’en contrepartie ils savourent pleinement et complètement chaque petit instant de joie. Autrement dit, ils éprouvent de la gratitude envers ce qui est, dans l’« ici » et le « maintenant » de leur vie.  Le bonheur, le vrai, découle donc d’une pleine présence à soi, aux autres et au monde.

À méditer.

Nicole

(Extrait de Revenir au monde publié aux éditions de l’Homme, 2017).

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